Le cancer est la première cause de mortalité prématurée en France, devant les maladies cardiovasculaires. De plus, entre 4 et 8,5 % des cancers ont une origine professionnelle, ce qui représente plus de 15 000 cas de cancers chaque année en France, selon la Fondation pour la recherche sur le cancer. 

En l’espace de plusieurs décennies, les perspectives de guérison et de survie pour de nombreux cancers se sont considérablement améliorées. Ces pathologies restent, cependant, une épreuve difficile tant physiquement que psychologiquement avec des répercussions, non seulement sur la vie sociale et intime mais aussi professionnelle.

En France, parmi les 400 000 personnes diagnostiquées, 160 000 travaillent. La question de l’emploi se pose alors pour des millions de Français dès le diagnostic jusqu’au rétablissement.

Que peut faire l’employeur pour accompagner un salarié atteint d’un cancer ? Quelles mesures de prévention est-il possible de mettre en place ? Et comment préparer un éventuel retour à l’emploi après un cancer ? A découvrir dans la suite de notre article.

Les principaux cancers

On estime que 3,8 millions de personnes vivent en France aujourd’hui avec un diagnostic de cancer. (Source : Fondation pour la Recherche sur le Cancer, 2023)

Depuis 30 ans, le nombre global de nouveaux cas de cancer en France augmente chaque année. Cela s’explique principalement par le vieillissement de la population – qui fait exploser le nombre de cancers du sein ou de la prostate – et l’amélioration des méthodes diagnostiques.

Il y a quatre principaux cancers : 

  • Le cancer du poumon ;
  • Le cancer colorectal ;
  • Le cancer de la prostate ;
  • Le cancer du sein.

Les cancers liés au travail

Un cancer est dit « professionnel » lorsqu’il est la conséquence de l’exposition d’un travailleur à un facteur cancérigène sur son lieu de travail. Il apparaît généralement 10, 20 voire 40 ans après cette exposition, généralement lorsque le salarié est à la retraite.

Il n’est pas toujours évident de relier l’apparition d’un cancer à un facteur cancérigène sur le lieu de travail. Dans la plupart des cas, un cancer est une maladie multifactorielle : facteurs héréditaires, comportementaux (tabac, alcool, alimentation…), environnementaux et/ou professionnels. D’autant plus que, d’un point de vue médical, rien ne permet de différencier un cancer d’origine professionnelle à un cancer d’une autre origine. Par exemple, un cancer du poumon présente les mêmes symptômes, qu’il soit associé à une exposition professionnelle à l’amiante ou à du tabagisme.

Entre 4 et 8,5 % des cancers ont une origine professionnelle, ce qui représente plus de 15 000 cas de cancers chaque année en France. 

Source : Fondation pour la recherche sur le cancer, 2018

Qui est concerné ?

L’enquête nationale SUMER (Surveillance Médicale des Expositions aux Risques professionnels) indique que les ouvriers, les travailleurs de nuit et les salariés à contrat précaire, sont les plus concernés par les risques de cancer.

On estime que 10,2 % des salariés sont exposés à un ou plusieurs facteurs cancérigènes sur leur lieu de travail. Dans 70 % des cas, il s’agit d’ouvriers, dans 83,8 % ce sont des hommes.

Enquête nationale SUMER

Certaines professions sont directement exposées à des risques de cancer, notamment :

  • Les métiers du BTP avec l’exposition à l’amiante et la peinture ;
  • Les industries plastique, du caoutchouc, du bois, de la métallurgie, de la chimie, de la plasturgie et du verre ;
  • Certaines fonctions dans le secteur nucléaire ;
  • Les activités minières ;
  • Les activités de maintenance, de nettoyage, de dépannage ;
  • Le travail de désinfection en milieu hospitalier ;
  • Les métiers de l’agroalimentaire, de l’agriculture (cancer de la peau par exemple) ;
  • Le travail en laboratoire, notamment en cas d’exposition à la radioactivité.

85 % des cancers de la plèvre (mésothéliomes) chez les hommes sont d’origine professionnelle. 

Source : Fondation pour la Recherche sur le cancer

En ce qui concerne le travail de nuit, le risque de développer un cancer augmenterait d’environ 30% chez les femmes ayant travaillé de nuit par rapport à d’autres femmes. (Source : INSERM, étude CECILE, 2012)

Cependant, la proportion de cancers professionnels est plus faible chez les femmes car elles exercent moins fréquemment des métiers qui les exposent à des agents cancérigènes que les hommes. Il est également possible que la reconnaissance des cancers professionnels soit moins évidente pour les femmes. Par exemple, en 2014, le cancer de l’ovaire lié à l’amiante a été reconnu maladie professionnelle pour la première fois.

Cancer en entreprise : prévention et dépistage

La prévention et le dépistage précoce doivent se généraliser pour les cancers. Voici quelques exemples de mesures de prévention à mettre en place : 

Bien sûr, malgré tous les efforts que vous y mettez, il n’est pas toujours possible de prévenir l’apparition d’un cancer en entreprise (surtout qu’il est généralement d’origine multifactorielle). Vous pouvez cependant rassurer l’ensemble de vos collaborateurs en communiquant largement autour des cancers pour lever les tabous sur le sujet et ouvrir votre culture d’entreprise. Rappelez qu’en cas d’accident de la vie, vous serez à l’écoute et présent pour trouver la meilleure solution possible.

Pour près de 6 salariés sur 10, le cancer reste un tabou dans les entreprises et les organisations du travail. Un sentiment qui se traduit par la peur d’un salarié sur deux atteint d’un cancer d’en parler à son employeur.

« Rapport 2013 de l’Observatoire sociétal des cancers », Ligue nationale contre le cancer, 2013

La problématique de prévention du cancer est au cœur de la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021 – 2030 du gouvernement. Ce document consigne plusieurs projets d’actions comme :

  • Encourager l’activité physique et diminuer la sédentarité” ;
  • “Mieux reconnaître les expositions professionnelles pour mieux prévenir les cancers professionnels” : le document rappelle que les principaux facteurs de risque de cancers professionnels sont l’amiante, le chrome VI, la silice cristalline et certaines substances contenues dans les peintures. ;
  • “Développer une société protectrice de la santé” ; 
  • Améliorer l’accès aux dépistages et préparer le dépistage de demain” ;
  • Soutenir les aidants pour préserver leur santé et leur qualité de vie”.

Et du côté des aidants ? Plus de quatre aidants sur dix rapportent leurs difficultés à concilier leur rôle avec leur vie professionnelle et environ 10% ont arrêté de travailler ou ont été contraints d’aménager leur temps de travail. (Source : Fondation ARC) Pour eux aussi, il n’est pas toujours aisé de retourner au travail après plusieurs mois ou années d’accompagnement.

Vers des entreprises plus ouverte

En 2022, Arthur Soudan, le dirigeant de Publicis, annonçait à ses 96 000 collaborateurs qu’il était porteur d’un HPV, un cancer lié au papillomavirus. Communiquer sur son état de santé : c’était une grande première pour un patron du CAC 40 ! Arthur Soudan a alors présenté son initiative “Working with cancer”, un mouvement qui promeut une culture d’entreprise plus ouverte et solidaire. Cette initiative bénéficie d’ailleurs du soutien de cancer@work, le premier club d’entreprises dédié aux personnes malades du cancer dans le monde professionnel.

En 2017, l’Institut National du Cancer lançait une charte listant 11 engagements en faveur du retour et du maintien dans l’emploi, signée par plus de 80 entreprises ! Des prises de conscience qui permettent la levée d’un tabou.

Comment accompagner un salarié atteint d’un cancer en entreprise ?

Prendre en compte les temporalités du cancer

Il est conseillé de prendre en compte les différentes temporalités de la découverte d’un cancer pour dialoguer avec son collaborateur :

  • L’annonce entraînant un séisme émotionnel ;
  • Les traitements “lourds” ;
  • Les traitements “invisibles” ;
  • Le rétablissement ;
  • La récidive ;
  • La fin de vie.

Dans les trois premiers cas, ces temps sont jalonnés par des arrêts maladie.

Garder le lien avec le salarié atteint d’un cancer

L’employeur ou le RH peut mettre en confiance le salarié sur le maintien de son emploi et proposer des alternatives en fonction de ses capacités.

Si le salarié donne son accord, ce peut être une bonne chose pour l’employeur de maintenir un lien avec le salarié pour prendre de ses nouvelles, sans forcément attendre de réponse (par e-mail, par téléphone, etc. en fonction des préférences du salarié). Cela ouvrira le dialogue sur la prise de congés pour le suivi des traitements médicaux et la possibilité de faire un mi-temps thérapeutique. Il est mieux pour l’employeur / le RH de garder une posture professionnelle, de rester chaleureux et de faire attention à son langage non verbal et paraverbal.

Epauler le collectif

Il est possible de faire appel à des psychologues pour soutenir les salariés face aux différents cycles de la maladie. Il est tout aussi important d’ouvrir les discussions sur un éventuel remplacement du salarié convalescent afin de limiter tout déséquilibre dans la charge de travail des équipes. Vous ne devez délaisser aucune partie, ni l’individu atteint du cancer, ni les équipes de travail.

Les mesures pour préparer un éventuel retour à l’emploi après un cancer

Un enjeu principal se dessine lorsque l’on parle de cancer en entreprise : le maintien dans l’emploi. En effet, le risque de désinsertion professionnelle reste actuellement très élevé : 20 % des personnes âgées entre 18 et 54 ans et en emploi au diagnostic ne travaillent plus cinq ans après. (La vie cinq ans après un diagnostic de cancer, Institut National du Cancer, juin 2018). Pour cause : les rechutes et les effets secondaires du traitement.

La stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021 – 2030 du gouvernement a pour projet de développer des dispositifs pour faciliter le maintien et le retour à l’emploi des personnes touchées par le cancer. Ce projet prévoit de faciliter les échanges et la communication et d’apporter de nouvelles connaissances relatives au maintien et au retour à l’emploi des personnes touchées par le cancer. Pour ce faire, le gouvernement souhaite, entre autres, apporter un soutien aux entreprises (club, formation, partage d’expériences, indicateurs…) mais aussi élargir les possibilités d’aménagement du temps de travail pour les adapter à la réalité de la vie des personnes.

70 % des entreprises ont des difficultés à gérer le retour d’un salarié 

Source : Institut universitaire du cancer de Toulouse

Que peut faire l’entreprise pour préparer un éventuel retour à l’emploi après un cancer ?

80 % de salariés reprennent le chemin du travail une fois les traitements terminés.

Source : Fondation pour la recherche sur le cancer
  • Organiser un rendez-vous de liaison : la loi santé au travail a introduit cette mesure pour préparer au mieux le retour du salarié dans son équipe de travail. L’objectif est de maintenir le lien entre le salarié et son employeur durant l’arrêt de travail afin de l’informer qu’il peut bénéficier d’une visite de pré-reprise et de mesures d’aménagement du poste et/ou du temps de travail à sa reprise ;
  • Organiser une visite de pré-reprise auprès de la médecine du travail* : cette visite peut être réalisée à la demande du salarié ou de son médecin traitant. Le médecin du travail évaluera alors l’état de santé du salarié et le conseillera sur les modalités de reprise du travail. Ces recommandations sont transmises à l’employeur ;
  • Anticiper la date de retour du salarié : si l’employeur a maintenu le lien avec le salarié, il est censé connaître la date de retour du salarié afin d’adapter au mieux l’organisation ;
  • Être prêt pour accueillir le salarié le jour du retour : c’est un point très important. Le salarié doit être accueilli par son manager ou le RH pour lui souhaiter la bienvenue, lui parler des évolutions, des projets futurs, de ses droits, etc. ;
  • Préparer le collectif au retour du salarié : communiquer au collectif la date de retour du salarié et préciser ce qui été prévu pour son retour ;
  • Proposer des aménagements : aménagement du temps de travail (temps partiel thérapeutique par exemple), dans le contenu des missions, dans les responsabilités, etc. Il faudra également suivre les recommandations d’aménagements de la médecine du travail s’il y en a.

*Quid des indépendants ? Ceux-ci n’ont pas accès aux visites médicales de pré-reprise ou de reprise mais ils peuvent solliciter un médecin du travail s’ils sont affiliés à un service de santé au travail ou prendre rendez-vous auprès d’une consultation de pathologie professionnelle.

En cas de cancer en entreprise, l’employeur (tout comme le RH et/ou le manager) joue un rôle fondamental pour accompagner le salarié et préparer son retour à l’emploi en toute sérénité. Bien qu’un cancer semble être causé par un ensemble complexe de facteurs de risque, l’entreprise peut jouer un rôle fondamental en termes de prévention et de dépistage (campagnes de sensibilisation, formations, dépistages avec des équipes médicales, etc.). Le tout est d’ouvrir le dialogue sur le sujet pour éveiller les consciences, lever les tabous et rassurer les salariés.

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