Dans un monde idéal, le respect, la dignité et l’épanouissement personnel devraient être des droits fondamentaux pour tous. Cependant, le harcèlement moral demeure, tristement, une réalité persistante. Ce fléau silencieux peut toucher n’importe qui, n’importe où, mais il est souvent mal compris ou minimisé. C’est pourquoi il est essentiel de plonger au cœur de ce sujet complexe et de comprendre les différents aspects du harcèlement moral au travail. A noter que la violence et le harcèlement au travail touchent plus d’une personne sur cinq selon l’Organisation internationale du Travail (OIT), d’où l’importance de prévenir le harcèlement moral au travail mais également de former à la prévention du harcèlement sexuel.

Quels sont les signes du harcèlement moral au travail ? Comment le reconnaître ? Nous vous dévoilons plusieurs pistes de réflexion dans la suite de notre article.

Le harcèlement moral, de quoi parle-t-on ?

Définition du harcèlement moral

Le harcèlement moral se caractérise par des comportements répétés qui ont pour but ou pour résultat de détériorer les conditions de travail. Ces agissements peuvent nuire aux droits de l’individu, affecter la dignité du salarié, altérer sa santé physique ou mentale, mais aussi compromettre son avenir professionnel.

Les différents types de harcèlement 

Il existe différents types de harcèlement. En voici 3 : 

  • Harcèlement moral institutionnel : relève d’une stratégie de gestion de l’ensemble du personnel ou d’une culture d’une entreprise. La violence ne relève pas d’un problème épisodique ou individuel, mais plutôt d’un problème structurel qui relève d’un positionnement managérial, d’une organisation du travail, etc. ;
  • Harcèlement moral horizontal : s’exerce entre individus sans rapport hiérarchique. Il relève d’une dynamique collective où se déploient des comportements contraires aux droits fondamentaux de la personne humaine dans une relation de travail. Dans cette situation, l’individu ou le groupe harcelé devient le bouc émissaire ;
  • Harcèlement moral individuel : pratiqué dans un but “gratuit” de destruction d’autrui et/ou de valorisation de son propre pouvoir.

Harcèlement moral, harcèlement sexuel, quelle différence ? 

Le harcèlement moral et le harcèlement sexuel sont deux formes de comportement inacceptable. Ils affectent profondément la vie professionnelle et personnelle des victimes. Bien qu’ils partagent certaines similitudes en termes de répétition et d’impact sur la victime, ils se distinguent par leurs manifestations spécifiques :

  • Le harcèlement moral se caractérise par des agissements répétés. Ces derniers ont pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail, qui peuvent altérer la santé mentale et physique de la victime ; 
  • Le harcèlement sexuel se caractérise par le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste. Ces actes portent atteinte à la dignité des personnes en raison de leurs caractères dégradants ou humiliants. Ils peuvent créer à leur encontre des situations intimidantes, hostiles ou offensantes (Source : Service Public).

1 femme sur 3 (32%) en France a déjà été victime de harcèlement sexuel au travail.

Source : « Les Françaises face au harcèlement sexuel au travail », IFOP, 2018

Harcèlement moral au travail : cadre légal

Le harcèlement moral est une réalité préoccupante qui peut avoir des conséquences dévastatrices sur la vie professionnelle et personnelle des individus. Heureusement, la législation française a mis en place un cadre juridique strict pour lutter contre ce fléau et protéger les travailleurs. Notamment avec les articles L1152-1 du Code du Travail et 222-33-2 du Code Pénal. Ces textes de loi ont pour objectif d’assurer le respect des droits, de la dignité, et de la santé physique et mentale des salariés. Ils cherchent également à préserver l’avenir professionnel des travailleurs.

L’article L1152-1 du Code du Travail stipule “qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel”.

L’article 222-33-2 du Code Pénal dispose que ”le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende”. 

Harcèlement moral au travail : les signes pour le reconnaître

Il y a cinq techniques de harcèlement au travail à surveiller attentivement :

  • Les techniques relationnelles (associent la relation de pouvoir) :
    • Tutoyer sans réciprocité ;
    • Couper la parole ;
    • Parler fort et/ou avec un ton menaçant ;
    • Faire disparaître les savoir-faire sociaux (ni bonjour, ni au revoir, ni merci) ;
    • Critiquer systématiquement le travail ou le physique du salarié ;
    • Cesser toute communication verbale (post-it, note de service) ;
    • Siffler le salarié, regarder avec mépris, etc.
  • Les techniques d’isolement (visent la séparation du sujet de son collectif de travail) :
    • Changement des horaires ;
    • Omission d’informations sur les réunions ;
    • Injonction faite aux autres salariés de ne plus communiquer avec la personne désignée…
  • Les techniques persécutives (passent par la surveillance des faits et gestes) :
    • Contrôle des communications téléphoniques ;
    • Vérification des tiroirs, casiers, poubelles… ;
    • Contrôle de la durée des pauses, des absences ;
    • Contrôle des conversations et relations avec les collègues…
  • Les techniques d’attaque du geste de travail (visent la perte du sens du travail) :
    • Injonctions paradoxales : faire refaire une tâche déjà faite, corriger des fautes inexistantes, définir une procédure d’exécution de la tâche et une fois qu’elle est exécutée, contester la procédure, donner des consignes confuses… ;
    • Mise en scène de la disparition : supprimer des tâches définies dans le contrat de travail, priver de bureau, de téléphone… ;
    • Surcharge de travail : fixer des objectifs irréalistes et irréalisables entretenant une situation d’échec, déposer les dossiers urgents 5 minutes avant le départ du salarié…
  • Les techniques punitives (mettent le salarié en situation de justification constante) :
    • Notes de service systématique ;
    • Utilisation de lettre recommandée avec accusé de réception ;
    • Avertissements montées de toutes pièces ;
    • Vacances non accordées au dernier moment…

Indicateurs caractéristiques du harcèlement moral

Repérer les comportements à risques 

Afin de lutter efficacement contre le harcèlement moral, il est essentiel de savoir repérer les comportements à risque. Cela implique d’identifier les signaux subtils qui peuvent indiquer le début d’une situation de harcèlement moral.

Il est important de noter que tout changement peut servir d’alerte quant à l’évolution des relations interpersonnelles. Pour ce faire, il est nécessaire d’observer les attitudes, les remarques, et la nature des conversations, etc. Il est également important de prendre en considération les silences, les non-dits, ainsi que les changements de ton au cours des conversations.

Faites également attention aux comportements qui ont tendance à : 

  • Critiquer, juger, reprocher. A savoir que la critique n’alerte pas si elle est occasionnelle. Dans le cas contraire, il faut agir ;
  • Mépriser, avoir des pensées négatives envers un individu, refuser la différence ; 
  • Être sur la défensive, se justifier, nier, contre-attaque, être dans l’opposition avec un individu ;
  • Refuser de parler, être fermé à la discussion, bloquer la communication, ne plus écouter, ne plus faire l’effort de comprendre l’individu ; 
  • Ignorer, être hermétique au discours de l’individu, être désengagé émotionnellement ;
  • Rompre, ignorer toute tentative de réparation, toute forme de communication. 

Que faire si l’on est victime de harcèlement moral au travail ?

Lorsque l’on se trouve pris au piège du harcèlement moral au travail, il peut sembler impossible de trouver une issue à cette situation dévastatrice. Il est donc essentiel de comprendre les dynamiques complexes qui sous-tendent le harcèlement moral. Pour ce faire, il existe la théorie du triangle dramatique de Karpman. Il s’agit d’un modèle psychologique qui permet d’analyser les rôles joués par les personnes impliquées dans une situation de harcèlement moral.

Le triangle dramatique de Karpman 

Cette théorie offre un éclairage précieux pour ceux qui cherchent à comprendre leur propre position dans ce triangle malsain. Elle les aide par la suite à élaborer des stratégies pour mettre fin au harcèlement et retrouver un environnement de travail sain et équilibré. 

Dans ce triangle dramatique de Karpman il y a 3 types de personnes impliquées : 

  • Les victimes
    • se sentent impuissantes et opprimées,
    • croient qu’elles n’ont pas de contrôle de la situation.
  • Les persécuteurs
    • blâment et critique les autres ;
    • peuvent également se sentir victime, justifiant ainsi leurs comportements.
  • Les sauveurs :
    • essayent de venir en aide aux victimes, souvent sans qu’on leur demande ; 
    • veulent empêcher les victimes d’apprendre et de grandir en prenant en charge leurs problèmes.

Comment sortir du triangle dramatique de Karpman ? 

  1. Prendre conscience des jeux psychologiques 
  2. Développer la connaissance de soi-même pour développer la maîtrise de soi-même 
  3. Arrêter le triangle et le lien de dépendance 

La version positive du triangle de Karpman

  • La victime devient créateur : au lieu de se sentir impuissante ou oppressée, la personne dans le rôle de créateur voit les possibilités et prend des mesures pour résoudre les problèmes. Elle prend sa vie en main, accepte sa responsabilité et ses choix ; 
  • Le persécuteur devient challenger : au lieu d’être agressif et de blâmer les autres, le challenger met les autres au défi de manière constructive, encourageant l’apprentissage et la croissance. Il peut poser des questions difficiles, mais de manière respectueuse et dans le but d’améliorer la situation ;
  • Le sauveur devient coach : au lieu de prendre en charge les problèmes des autres ou de les résoudre pour eux (ce qui renforce souvent leur sentiment d’impuissance), le coach soutient les autres pour qu’ils trouvent leurs propres solutions. Il aide à stimuler la réflexion et la responsabilité personnelle.

Que faire si l’on est victime de harcèlement ? 

Il est important de savoir comment agir en cas de harcèlement moral, que vous soyez témoin ou victime. Pour cela, il faut comprendre les mesures à prendre en cas de maltraitance au travail ou ailleurs. En comprenant les actions à faire et les ressources disponibles, vous serez mieux préparés à faire face à cette situation difficile et à contribuer à la stopper. Voici ce qu’il est possible de faire si vous êtes victime de harcèlement :

  1. Se tourner au plus vite vers l’employeur ou les instances représentatives du personnel pour mener une enquête ;
  2. Prendre contact avec le service de santé au travail ; 
  3. Présenter des éléments de fait prouvant l’existence du harcèlement. 

Non au harcèlement, le 30 20 est le numéro national, gratuit, si vous êtes victime ou témoin de harcèlement.

Que faire si vous êtes témoin de harcèlement ? 

  1. Soutenir la personne harcelée : écoutez et assurez-lui de votre soutien. Encouragez-la à chercher de l’aide ; 
  2. Documenter l’incident : prenez note de tous les détails que vous avez observés, y compris la date, l’heure, le lieu, les personnes impliquées, ce qui a été dit ou fait, et toute autre information pertinente ;
  3. Signaler l’incident : signalez ce que vous avez observé à votre supérieur hiérarchique, aux ressources humaines ou référent harcèlement. Si cela n’est pas possible ou si ces personnes font partie du problème, vous pouvez recourir à d’autres voies telles que la médecine du travail, l’inspection du travail, ou le défenseur des droits ;
  4. Ne pas participer au harcèlement : ne participez pas aux comportements de harcèlement, même sous forme de plaisanteries. Vous pouvez exprimer votre désaccord avec ces comportements quand cela se produit ;
  5. Rester discret : ne propagez pas de rumeurs sur le harcèlement, cela peut aggraver la situation pour la victime. Respectez sa vie privée ;
  6. Chercher un conseil juridique : si la situation persiste ou si vous n’êtes pas sûr de ce que vous devez faire, vous pourriez chercher un conseil juridique.

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