80% des professionnels de la santé qui travaillent en horaires décalés ont un trouble de continuité du sommeil. 62% ont un trouble d’endormissement.
(Source : Réseau Morphée, 2018)
Le travail de nuit n’est pas sans risques pour la santé. En effet, il a un impact important sur le sommeil des salariés. Les rythmes circadiens de l’être humain sont conçus pour un fonctionnement éveil-jour, sommeil-nuit. Le travail posté, travail de nuit ou en horaires décalés, désynchronise l’horloge biologique et diminue donc le temps de sommeil.
Il est donc important que les salariés soient informés de ces risques et des moyens pour les prévenir mais aussi qu’ils soient formés au travail de nuit et à la vigilance. Dans cet article, nous vous évoquons les effets du travail de nuit sur la santé pour après vous donnez nos conseils pour mieux prévenir les impacts négatifs du travail de nuit sur le sommeil et la santé.
Sommaire de l'article
Travail de nuit : définition, cadre légal, obligation des entreprises
Selon la loi, « tout travail effectué au cours d’une période d’au moins neuf heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 5 heures est considéré comme travail de nuit. Il commence au plus tôt à 21 heures et s’achève au plus tard à 7 heures. » (Source : Article L3122-29 et suivants du Code du travail).
Un travailleur de nuit est défini comme étant un salarié qui accomplit soit au moins deux fois par semaine, au moins trois heures de travail de nuit quotidiennes, soit un nombre minimal d’heures pendant une « période de référence » (Source : Article L3122-5 du Code du travail).
La durée quotidienne de travail accompli par un travailleur de nuit ne peut excéder 8 heures, sauf lorsqu’un accord collectif le prévoit (Source : Article L3122-34) et la durée hebdomadaire d’un travailleur de nuit ne peut excéder 40 heures sauf convention et accord de branche (Source : Article L3122-35).
Le recours au travail de nuit doit être exceptionnel. En effet, il doit prendre en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. De plus, il doit être justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.
Découvrez notre e-learning optimiser son sommeil en travail de nuit. A la fin de ce module, les travailleurs de nuit seront en mesure de mieux comprendre l’importance du sommeil pour leur santé et leur bien-être :
Quelles sont les conséquences sur la santé du travail de nuit ?
Le travail de nuit provoque un dérèglement et une désynchronisation de l’horloge biologique (rythmes biologiques). Le rythme de sommeil est perturbé ainsi que les prises alimentaires. Ce qui a des conséquences sur les rythmes biologiques, sociaux et familiaux pouvant entraîner des répercussions sur la santé.
Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a enquêté en 2007 sur l’influence de cette organisation du travail sur le risque de cancer, ce qui l’a conduit à inscrire le travail posté, perturbant les rythmes circadiens, dans la catégorie des agents « probablement cancérogènes ».
Quels sont les risques pour la santé du travail de nuit ?
Les impacts du travail nocturne sur la santé impliquent particulièrement :
- Les perturbations du sommeil et la diminution de l’attention. ;
- Les affections gastro-intestinales ;
- Les risques d’accidents ;
- L’influence sur la fertilité, la reproduction et la grossesse ;
- Le risque de cancer (particulièrement le cancer du sein chez les femmes) ;
- Les désordres métaboliques et les maladies cardiovasculaires.
D’après une évaluation réalisée par l’ANSES en 2016, ces dangers peuvent être catégorisés en trois ensembles distincts : les risques avérés, les risques possibles et les risques probables. Nous pouvons cependant rajouter 2 catégories, les risques sur la santé psychique et autres effets du travail de nuit : santé des femmes, accidents de la route et du travail.
Les risques avérés
- Une diminution du temps de sommeil total de 1 à 2 heures par 24 heures comparées au travail de jour :
- Les travailleurs de nuit sont confrontés à des horaires de travail qui ne correspondent pas aux rythmes circadiens naturels du corps humain. En conséquence, ils dorment généralement moins que ceux qui travaillent le jour. Cette diminution du temps de sommeil peut varier, mais elle peut aller de 1 à 2 heures de moins par jour par rapport aux travailleurs de jour. Cette privation de sommeil chronique peut avoir un impact cumulatif sur la santé et le bien-être.
- Une augmentation des troubles du sommeil : insomnies, difficultés d’endormissement, réveils multiples, sommeil non réparateur :
- Les personnes travaillant la nuit sont plus susceptibles de souffrir de troubles du sommeil. Cela peut se manifester sous différentes formes, notamment des insomnies (difficulté à s’endormir), des réveils multiples au cours de la nuit, ou un sommeil non réparateur. Ces troubles résultent souvent des perturbations des rythmes circadiens, qui régulent naturellement le cycle du sommeil et de l’éveil en fonction de la lumière du jour et de l’obscurité.
- Des risques desomnolence au poste de travail :
- La privation de sommeil et les troubles du sommeil associés au travail de nuit peuvent entraîner de la somnolence pendant les heures de travail. Cela peut se traduire par une baisse de la vigilance, une capacité réduite à se concentrer, des réactions plus lentes, et une augmentation du risque d’accidents professionnels. La somnolence au poste de travail peut avoir des conséquences graves, notamment dans des professions qui exigent une vigilance constante, comme les conducteurs de poids lourds, les opérateurs de machines, ou le personnel médical de nuit.
Les risques possibles
- Un risque d’AVC peut se développer. En effet, une étude révèle que les travailleurs de nuit auraient plus de risques de faire une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral que ceux qui travaillent de jour (Source : British Medical Journal) :
- Plusieurs études ont soulevé la possibilité que les travailleurs de nuit aient un risque accru de subir des accidents vasculaires cérébraux (AVC) par rapport à ceux qui travaillent de jour. Une recherche publiée dans le British Medical Journal a mis en évidence une corrélation entre le travail de nuit et un risque légèrement accru d’AVC. Cela peut être attribué aux perturbations des rythmes circadiens, à la privation de sommeil, ainsi qu’aux facteurs de stress associés au travail nocturne.
- Une augmentation de la tension artérielle :
- Le travail de nuit peut également être lié à une élévation de la pression artérielle. Des perturbations du rythme circadien, en particulier l’exposition à la lumière la nuit et la perturbation du sommeil, peuvent influencer négativement la régulation de la pression artérielle. Une tension artérielle élevée est un facteur de risque important pour les maladies cardiovasculaires, y compris les accidents vasculaires cérébraux et les crises cardiaques.
- Une perturbation des taux de lipides dans le sang (cholestérol et triglycérides) :
- Le travail de nuit peut entraîner des changements indésirables dans les taux de lipides sanguins, notamment le cholestérol et les triglycérides. Des études ont montré que les travailleurs de nuit peuvent présenter des niveaux de cholestérol et de triglycérides moins favorables, ce qui augmente le risque de maladies cardiovasculaires. La perturbation des habitudes alimentaires et métaboliques qui accompagne souvent le travail nocturne peut contribuer à ces altérations.
Les risques probables
- Le travail de nuit peut favoriser les risques cardiovasculaires. En effet, il provoque un dérèglement du rythme circadien et perturbe donc la l’expression de certains gènes mais aussi la sécrétion d’hormones. Cela a une influence sur la fréquence cardiaque ou encore le métabolisme.
Indépendamment de l’âge, du sexe et des facteurs de risque traditionnels,
Les travailleurs de nuit augmenteraient leurs risques de crises cardiaques de 23%, de 24% pour les accidents coronariens et de 5% pour les accidents vasculaires cérébraux.
Source : Fondation Recherche Cardio-Vasculaire
- Une augmentation du taux de sucre dans le sang (diabète de type 1 ou 2) ainsi qu’une prise de poids et des risques d’obésité peuvent survenir chez les travailleurs de nuit. Ces derniers peuvent également être affectés par des troubles digestifs (ulcères gastroduodénaux) ;
- Une augmentation du tabagisme et/ou de la prise de caféine (entretenant une gastrite chronique) ainsi qu’un possible risque de consommation excessive d’alcool ou de drogue afin de lutter contre la somnolence et le stress ;
- Impact sur le système immunitaire: Des études ont montré que les travailleurs de nuit ont tendance à avoir un système immunitaire affaibli, ce qui les rend plus susceptibles de contracter des infections et de tomber malades plus fréquemment.
Les risques sur la santé psychique
- Une augmentation du stress, de l’anxiété et de la fatigue chronique qui nécessitent une prise de médicaments antidépresseurs ou anxiolytiques ;
- Irritabilité, agressivité ;
- Dépression ;
- Troubles de l’humeur ;
- Baisse des capacités cognitives (concentration et mémoire).
Autres effets du travail de nuit : santé des femmes, accidents de la route et du travail
Le travail de nuit a des effets spécifiques sur la santé des femmes, notamment des apparition de risques de cancer du sein. De même, avec ce rythme de travail, le déroulement de la grossesse peut être perturbé (fausse couche spontanée, accouchement prématuré, faible poids du bébé à la naissance, etc.).
Le travail de nuit provoque une somnolence, une baisse de vigilance, des troubles de la concentration et de la mémorisation. Cela augmente donc la fréquence de la gravité des accidents, notamment les accidents de la route entre le lieu de travail et le domicile. Cela est d’autant plus vrai durant la nuit : le manque de visibilité demande davantage d’attention et de vigilance chez le conducteur.
Selon les chiffres officiels de la Sécurité Routière,” le risque d’avoir un accident mortel la nuit est sept fois supérieur au risque diurne”. Alors que la circulation de nuit ne représente qu’environ 10% du trafic routier, ce ne sont pas moins de
44 % des automobilistes qui sont décédés en 2018 d’un accident de la route survenu la nuit.
Source : Sécurité Routière
Le travail de nuit peut également être à l’origine d’accidents du travail. Cela s’explique à la fois par les mécanismes physiologiques impliqués (somnolence, dette de sommeil, chronobiologie), mais aussi par des facteurs organisationnels, environnementaux (conditions de travail), et managériaux.
Les accidents du travail les plus fréquents sont les chutes de plain-pied ou de hauteur, les erreurs humaines et les catastrophes, la mauvaise manipulation de machines ou d’outils, les mauvais gestes et postures liés à la fatigue, etc.
Le travail de nuit peut également avoir des conséquences négatives sur la vie sociale et familiale des salariés et ainsi provoquer :
- Des déséquilibres dans le fonctionnement familial (heures de coucher différentes) ;
- Une limitation du temps passé avec les enfants et/ou dans son couple ;
- Des soucis d’articulation entre vie professionnelle et vie privée ;
- Des difficultés à organiser des rencontres amicales, d’accéder aux activités sociales culturelles, sportives, etc.
Comment prévenir l’impact du travail de nuit sur la santé ?
Au niveau de l’entreprise
Il est important que les entreprises mettent en place des dispositifs pour accompagner leurs salariés.
Travail de nuit : agir sur l’organisation et l’environnement de travail
L’entreprise peut agir sur l’organisation du travail :
- Affecter en priorité les salariés volontaires à des postes de nuit ;
- Permettre à ceux qui le souhaitent de retrouver des horaires classiques (par exemple à la suite d’un changement de situation familiale) ;
- Limiter dans la durée les périodes de travail de nuit ;
- Veiller à organiser un temps d’échanges entre les équipes qui se succèdent ;
- Définir des heures de poste compatibles avec les horaires des transports en commun ;
- Prévoir des temps de pauses ;
- Prévoir un minimum de 11 heures de repos entre chaque poste.
L’entreprise doit adapter les locaux et les horaires de travail de ses salariés :
- Gérer l’intensité lumineuse, elle doit plutôt être importante avant et/ou en début de poste et moins élevée en fin de poste ;
- Aménager des espaces de repos pour permettre des micro-siestes nocturnes ;
- Éviter les postes longs, supérieurs à 8 heures, préférer des temps de travail de 7 heures.
Évaluer la santé des travailleurs de nuit
Il est essentiel de suivre des indicateurs clés de performance concernant la santé et la sécurité au travail :
- Les horaires auxquels se sont produits les accidents ;
- L’impact des horaires du travail de nuit sur la santé des salariés grâce à des questionnaires ;
- Le nombre d’incidents remontés la nuit ;
- Le nombre de maladies professionnelles pour les travailleurs de nuit.
On peut mesurer le ressenti des travailleurs de nuit. Des enquêtes internes permettent de soulever certaines problématiques, de comparer les résultats et être ainsi en mesure d’agir en mettant en place des actions. Elles permettent également de montrer aux salariés qu’ils sont écoutés.
Informer et sensibiliser aux risques
Afin de lutter contre les risques liés au travail de nuit, il est important que les entreprises sensibilisent leurs salariés et les conseillent en matière d’hygiène de vie, (sommeil et nutrition notamment). Vous pouvez pour cela :
- Organiser des ateliers de formation ou de sensibilisation sur le travail de nuit au cours desquels les participants sont amenés à mieux comprendre le sommeil et les comportements favorables en la matière, anticiper davantage l’organisation de leur temps de vie ;
- Mettre en œuvre des ateliers pratiques tels que des cours de respiration, des séances de relaxation, de réveil musculaire ;
- Mettre à disposition des documents de sensibilisation et d’information tels que des livres blancs autour du travail de nuit, des affiches, des vidéos, etc.
Au niveau du manager
Le manager assure un rôle essentiel dans la démarche de prévention des risques liés au travail de nuit. Il analyse et conseille côté salarié, et remonte les informations clés côté entreprise. Il doit :
- Détecter les risques et conseiller les salariés
La nuit, les équipes sont généralement réduites et l’atmosphère est différente de celle de la journée. Travail de jour rime souvent avec réunions, rendez-vous, téléphone tandis que la nuit, c’est le management de proximité qui prime.
Néanmoins, le travail de nuit reste plus pénible qu’en journée. C’est pourquoi le manager doit redoubler d’attention. Il doit être à l’écoute afin de rythmer le temps de travail et détecter les baisses de vigilance pouvant mener à des accidents.
- Faire remonter les informations et proposer des solutions à la direction
Après avoir détecté, conseillé et fait des recommandations à ses équipes, il est essentiel que le manager fasse remonter les informations à la direction. Ainsi, il va proposer des solutions adaptées, en matière de réorganisation du temps ou des espaces de travail par exemple.
Il est donc primordial qu’il soit à l’écoute des salarié, afin d’apporter son soutien aux équipes et de faire remonter les problèmes.
Au niveau du salarié
Le salarié peut, lui aussi, mettre en place de bonnes habitudes pour limiter les risques liés au travail de nuit.
Développer une bonne hygiène de vie pour améliorer son sommeil :
- Routine de coucher : se créer une routine de coucher avec des activités calmes et apaisantes permet de mieux dormir (pratiquer de la méditation, boire une tisane, faire des étirements, etc.) ;
- La pratique d’une activité physique : l’activité physique régulière favorise le sommeil lent et profond et permet d’améliorer la qualité du sommeil, de relâcher les tensions et de garder une certaine vitalité ;
- Avoir une alimentation équilibrée : pour être en forme et s’adapter au décalage horaire, les travailleurs de nuit devraient veiller à respecter un équilibre alimentaire sous forme de trois repas variés et complets par jour avec des horaires décalés. Il faut éviter le café, la consommation d’alcool et la cigarette 4h avant d’aller se coucher ;
- Sortir et s’aérer : lorsqu’on travaille de nuit, une trop faible exposition à la lumière peut perturber le sommeil. Il est donc important de s’exposer à la lumière naturelle ;
- Faire des siestes : soit une sieste longue de 1h afin de récupérer physiquement et psychiquement, soit une sieste courte de 20 minutes pour recharger les batteries et augmenter les capacités de vigilance et de concentration ;
- Simuler le jour et la nuit : vous pouvez vous exposer à la lumière vive lors de la première moitié de votre travail de nuit afin de rester éveillé. Lorsque vous rentrez de votre travail, veillez à dormir dans le noir complet et au calme pour favoriser l’endormissement.
Découvrez les conseils de notre coach Sébastien Dupont, afin d’être plus vigilant au travail :
Détecter les signes d’endormissement pour pouvoir être plus vigilant :
- Bâillements ;
- Sensation de tête lourde ;
- Picotement des yeux, paupières lourdes, vue qui se trouble ;
- Sensation de refroidissement corporel ;
- Lourdeur musculaire ;
- Sensation d’inconfort poussant à s’agiter sur son siège ;
- Ralentissement des réflexes.
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Conclusion
Le travail de nuit peut avoir des répercussions sur la santé des salariés et provoquer des troubles du sommeil. Il est donc nécessaire d’adopter de bonnes habitudes de vie pour limiter les effets néfastes d’un travail en horaires atypiques (par exemple : pratiquer une activité physique régulière, faire attention à son alimentation, pratiquer la sieste dès que possible).
De son côté, l’employeur peut agir à travers une adaptation des locaux (lieux prévus pour faire une sieste par exemple), une adaptation des horaires de travail ou encore la mise en place de formations ou d’activités sur le travail de nuit.